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Quelle procédure de recueil des signalements des lanceurs d’alerte au sein du ministère de la Justice ?

Affaires - Pénal des affaires
04/06/2021
Un arrêté publié le 3 juin 2021 vient fixer la procédure de recueil de signalement effectué par les lanceurs d'alerte au sein du ministère de la justice.
Après les directions et services relevant d’un programme budgétaire des ministères économiques et financiers (v. Recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte : des précisions apportées, Actualités du droit, 1er août 2019), le décret du 31 mai 2021, vient établir la procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte, « membres du personnel ou par les collaborateurs extérieurs et occasionnels du ministère de la justice » en application du décret du 19 avril 2017 (Lanceurs d’alerte : la procédure de recueil des signalements est précisée, Actualités du droit, 25 avr. 2017).
 
Précision : cette procédure est commune à l'ensemble des services placés sous l'autorité du ministère de la justice et aux établissements placés sous sa tutelle. Néanmoins, elle ne s'applique pas aux magistrats de l'ordre judiciaire ni aux personnes chargées de réaliser ses missions et désignées par le terme « membre de l'inspection » en activité au sein de l'inspection générale de la justice.
 
 
Un encadrement de l’alerte
L’alerte est le fait pour une personne physique de révéler ou signaler des faits :
- survenus dans le champ professionnel ;
- de manière désintéressée et de bonne foi ;
- susceptibles d'être qualifiés de crime ou délit, de violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou d'une menace ou d'un préjudice graves pour l'intérêt général ;
- dont elle a eu personnellement connaissance.
 
L’alerte ne peut concerner des faits, informations ou documents, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.
 
 
Quelle procédure ?
Le président du collège de déontologie (le collège se voyant confier les missions de référent alerte), est le destinataire du signalement. Il peut lui être porté directement ou transmis par l’autorité hiérarchique ou l’autorité d’emploi, sous réserve de l’accord de l’auteur. La saisine peut s’effectuer par les membres du personnel ou les collaborateurs extérieurs et occasionnels du ministère sous double enveloppe confidentielle ou par voie dématérialisée garantissant la confidentialité des échanges.
 
L’auteur du signalement doit s’identifier puis fournir « les informations ou documents dont il dispose, susceptibles de justifier son signalement. Il doit également indiquer les circonstances dans lesquelles il a eu personnellement connaissance du ou des faits ainsi que des dommages éventuels ».
 
Le président du collège de déontologie, avec le concours du secrétariat et des membres du collège, est chargé de la réception, de l'examen de la recevabilité et du traitement des signalements, ainsi que des relations avec l'auteur du signalement et les autres personnes concernées. Un accusé de réception du signalement est envoyé dans les meilleurs délai à l’auteur avec indiqués les garanties de confidentialité dont il bénéficie, les modalités de communication avec le collège de déontologie ainsi que le délai raisonnable et prévisible nécessaire à l'examen de la recevabilité de son signalement. Le président du collège peut désigner un rapporteur pour l’examen et la recevabilité du signalement.
 
Concrètement, trois phases pour le recueil du signalement :
- l’examen de recevabilité : vérification du respect du périmètre de l'alerte, de la bonne foi de l'auteur du signalement, de sa connaissance personnelle et directe des faits et du caractère désintéressé de sa démarche ;
- la vérification de la véracité des faits : un échange avec l'auteur est possible ;
- le traitement : transmission aux autorités compétentes ou clôture de la procédure.
 
« L'auteur du signalement est informé régulièrement et tout au long de la procédure des suites données à son alerte ainsi que des délais prévisibles du traitement qui ne sauraient excéder trois mois ». À défaut de réponse sur la recevabilité de l’alerte dans le délai, l’auteur peut adresser directement son signalement au procureur de la république ou à une autorité administrative en raison de ses compétences et des pouvoirs d'investigation et de décision dont elle dispose dans le domaine visé par le signalement.
 
 
Les suites données au signalement
Lorsque le signalement recevable nécessite la mise en œuvre de mesures, le président du collège de déontologie saisit l'administration ou l'autorité compétente pour qu'il soit mis fin aux actes, menaces ou préjudices signalés. Il peut ainsi saisir le supérieur hiérarchique de l’agent concerné ou l’autorité judiciaire lorsque les faits le justifient.
 
L’arrêté précise :
- si aucune suite n'est donnée au signalement, les données relatives à ce signalement sont conservées deux mois après la clôture des opérations de traitement du signalement puis détruites ;
- lorsqu’une procédure disciplinaire ou des poursuites juridictionnelles sont engagées à l'encontre de la personne mise en cause ou de l'auteur d'un signalement abusif, les éléments du dossier relatifs au signalement sont conservés jusqu'au terme de la procédure ou des poursuites, dans des conditions garantissant le respect de la confidentialité ;
- les données relatives à un signalement non recevable ou à un signalement n'entrant pas dans le champ du dispositif sont détruites sans délai.
 
Stricte confidentialité de l’identité de l’auteur, des personnes visées et des informations recueillies garantie. Les signalements sont retracés dans un registre mais seules certaines informations peuvent être mentionnées, et l’accès y est limité.
 

La protection de l’agent
« L'agent public victime bénéficie de mesures d'accompagnement, de protection et de soutien ». Concrètement il peut bénéficier de la protection fonctionnelle et d’une protection du fait du signalement effectué contre les mesures discriminatoires directes ou indirectes, les mesures individuelles défavorables et les mesures ou sanctions entraînant la perte d'emploi.
 
Cette protection suffit-elle ? Non pour 29 organisations qui ont lancé un appel à la société civile, déplorant le manque d’empressement du gouvernement et des parlementaires, pour l’adoption d’une loi qui protège les lanceurs d’alerte et garantit le traitement de leurs signalements (Ligue des Droits de l’Homme, 3 juin 2021). Ainsi, elles demandent que gouvernement et parlementaires se saisissent de l’occasion “inédite” que représente la transposition de la directive européenne avant la fin de l’année pour améliorer significativement les droits des lanceurs d’alerte en France (Directive UE 2019/1937, 23 oct. 2019, v. Entrée en vigueur de la directive offrant une meilleure protection aux lanceurs d’alerte, Actualités du droit, 16 déc. 2019).
 
 
Source : Actualités du droit