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Autorité de chose jugée d’un jugement annulant un permis de construire : précisions du Conseil d’État

Public - Droit public général
27/09/2023
Dans une décision du 21 septembre 2023 à publier au recueil Lebon, le Conseil d’État a déclaré que l’autorité de chose jugée s’attachant à un jugement devenu définitif annulant un permis de construire faisait obstacle à l’annulation par le juge du refus d’accorder un permis ayant le même objet.
Dans cette affaire, les faits étaient les suivants :
  • un maire a, par une décision du 18 octobre 2016, refusé d’accorder un permis de construire à une société de construction, sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, en raison de risques de glissement de terrain
  • la société de construction saisit le tribunal administratif d’une demande d’annulation de la décision de refus
  • le 6 août 2018, le maire retire son arrêté du 18 octobre 2016 et accorde le permis de construire.
  • des voisins saisissent le tribunal administratif d’une demande d’annulation du permis.
  • le 8 octobre 2020, le tribunal administratif rend deux décisions :
    • un jugement fait droit à la demande des voisins et annule le permis de construire
    • un jugement rejette la demande de la société de construction d’annulation du refus d’accorder le permis (permis qui avait entretemps été accordé).
 
La société fait appel de la décision et se voit opposer un rejet fondé sur l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif annulant le permis de construire. Elle se pourvoit alors en cassation.
 
Le Conseil d’État, dans une décision à publier au recueil Lebon rendue le 21 septembre 2023 (CE, 21 sept. 2023, n° 467076, A) déclare que l’autorité de chose jugée s’attachant au jugement devenu définitif faisait obstacle à ce que le juge annule la décision refusant un permis de construire : « L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l'autorité administrative à la demande d'un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l'annulation du permis de construire ».
 
Le Conseil rappelle le principe selon lequel la légalité d’un refus de permis de construire s’apprécie à la date de cette décision mais vient y apporter une nuance dans le cas particulier où le permis à été ensuite délivré puis annulé par une décision devenue définitive.

En pareil cas, le juge est tenu de prendre acte de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision annulant le permis. La Haute cour déclare ainsi : « Alors même que la légalité d'un refus de permis s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, il appartient ainsi au juge de l'excès de pouvoir de prendre acte de l'autorité de la chose jugée s'attachant, d'une part, à l'annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d'autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation ».
 
En l’espèce, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant « sur l'autorité de la chose jugée s'attachant aux motifs d'un jugement devenu définitif annulant un permis délivré postérieurement et ayant le même objet, en relevant l'absence de changement de circonstances de fait ou de droit ».
Source : Actualités du droit